Lydia Yacine – Master 2 DYNARISK 2020

Lydia Yacine

Master 2 « Dynamiques
des milieux et risques »

Les terrasses alluviales de l’Eure : étude
géomorphologique et perspectives géochronologiques
Sous la direction de François Bétard, Fabienne Dugast et Stéphane Rodier

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Projet soutenu par la Région Ile-de-France
dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur
« Matériaux anciens et patrimoniaux »
This work was supported by the Paris Ile-de-France Region
– DIM “Matériaux anciens et patrimoniaux”

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♦ Mémoire soutenu le 2 septembre 2020 ♦ Composition du jury
  • François BétardF(Mcf Hdr, Université Paris Cité, PRODIG Umr 8586)
  • Stéphane Cordier (Mcf Hdr, Université Paris-Est Créteil, LGP Umr 8591)
  • Fabienne Dugast (IR Cnrs, Orient & Méditerranée Umr 8167)
  • Nicole Limondin-Lozouet (DR Cnrs, LGP Umr 8591)

Résumé

Ce travail de recherche s’est intéressé aux terrasses alluviales pléistocènes de la vallée de l’Eure et à leur potentiel géochronologique et paléoenvironnemental. Ces terrasses représentent l’une des rares empreintes des dynamiques fluviatiles et climatiques passées à travers, d’une part les différents bioindicateurs qu’elles renferment (malacofaunes, pollens, etc.), d’autre part les différents sédiments qui les composent puisqu’ils permettent d’appliquer de nombreuses méthodes de datation dans le but d’établir un cadre chronostratigraphique précis de la zone.

Ce projet s’est appuyé sur une méthode multi-scalaire pour mettre en valeur le potentiel géomorphologique et géochronologique des terrasses fluviatiles de l’Eure. A large échelle, la distribution géographique de ces dernières ainsi que leur lithologie et stratigraphie ont pu être éclaircies et une première schématisation concernant l’étagement des nappes alluviales de la vallée a été effectuée grâce aux données des sondages/forages archivés de la Banque du sous-sol du BRGM (BSS).

A une échelle plus fine, cette étude a contribué à identifier des pistes exploratoires pour des recherches plus approfondies dans les zones-clés offrant des potentialités géochronologiques et paléoenvironnementales du fait de leur nature stratigraphique et lithologique. La coupe de Guainville située à Garennes-sur-Eure (Eure) fait partie de ces sites-clés offrant un accès direct aux alluvions de l’Eure et comporte une formation tufacée dont la valeur paléogéographique reste à découvrir.

 

Résultats

♦ Nature et position géomorphologique des terrasses alluviales de la vallée de l’Eure
à l’échelle du bassin versant

Le bassin versant de l’Eure présente quelques niveaux de terrasses alluviales le long de la vallée avec une concentration de ces dernières au niveau de la moyenne et basse vallée.

Selon les bases de données Charm-50 (base de données géoréférencées des cartes géologiques au 1/50000, vectorisées et harmonisées), les très hautes terrasses sont situées au niveau d’Évreux, étalées de manière discontinue sur plus de 10 km de longueur et environ 2 à 5 km de largeur sur les deux rives de l’Iton. Ce sont d’anciennes terrasses de l’Eure qui se sont formées au cours du Pléistocène moyen ou avant, indiquant de ce fait une migration de la vallée vers l’est puisque ces dernières sont actuellement dans la zone fluviale de l’Iton qui est le premier affluent de l’Eure. Les hautes terrasses sont plutôt localisées en moyenne et basse vallée vers Heudreville-sur-Eure (Les Faulx), Pinterville et Léry. Elles sont plus ou moins continues sur de petites distances (moins de 1 km en général). Les moyennes terrasses sont quant à elles plus étendues et continues comparées aux hautes terrasses. On les retrouve principalement en basse vallée, vers la Haye-le-Comte, Pinterville, Saint-Etienne et Saint-Pierre du Vauvray et sur environ 4 km de distance entre Incarville et Val-de-Reuil en passant par le Vaudreuil. Les basses terrasses sont nettement plus présentes et mieux conservées, notamment dans la moyenne vallée, entre Anet et Ménilles, sur environ 20 km le long de l’Eure, de part et d’autre.

Les basses terrasses datées de l’Holocène (selon les logs stratigraphiques du BRGM) présentent, quant à elles, une granulométrie plus fine avec des sables argileux, des limons argileux ou sablo-argileux avec quelques tourbes et galets siliceux et calcaires.

Selon les sondages archivés de la banque du sous-sol du BRGM, les basses/moyennes terrasses (indifférenciées) sont largement majoritaires et occupent principalement la basse vallée de l’Eure. Les basses terrasses sont également très présentes notamment en moyenne vallée (Chartres et Bueil en particulier). Les moyennes terrasses, quant à elles, s’étalent sur toute la longueur de la vallée, d’amont en aval avec une densité plus accrue au niveau de la moyenne et basse vallée. Les hautes et très hautes terrasses se concentrent en amont de la vallée, vers Landelles.

Figure 1 – Terrasses alluviales de l’Eure selon les deux Base de données Charm et Infoterre. Réalisation (© L. Yacine, 2020).

Les hautes terrasses datées par chronologie relative, selon les lois de superposition stratigraphique, sont d’âge Saalien (Riss) ou d’âge antérieur, comprises entre 190 et 140 m d’altitude absolue, et sont en général composées complétement ou partiellement d’argile avec des sables ou limons argileux (B.S.S, BRGM).

Les terrasses moyennes sont pour la plupart formées de sables grossiers, de graviers et de galets à silex, toutes d’âge Weischélien, voire holocène pour certaines (B.S.S, BRGM). Ces dernières sont en effet en contact direct avec les basses terrasses qui sont d’âge holocène, ce qui complexifie leur distinction (B.S.S, BRGM). Elles s’étendent à partir de 185 m d’altitude absolue jusqu’à la confluence avec la Seine.

Dans l’ensemble, les deux bases de données se rejoignent concernant la localisation des basses terrasses qui sont à proximité directe du lit actuel de l’Eure. Les hautes terrasses sont généralement concentrées en amont de la vallée selon les deux bases de données. Les moyennes terrasses quant à elles semblent être plus compliquées à distinguer et à différencier avec les basses terrasses.

Toutefois, on note que les terrasses alluviales de l’Eure sont plus ou moins bien conservées selon la localisation, la lithologie et l’exploitation de la zone où celles-ci se trouvent. Leur système d’étagement n’est cependant pas identifiable à partir de ces cartes, ce qui nous a amené à retracer leur nivellement selon leurs altitudes par rapport au bedrock en nous aidant du profil en long de la vallée qui représente de manière relative l’encaissement de cette dernière.

En effet, le profil en long de la vallée de l’Eure élaboré sous ArcMap 10.7, suivant son talweg de la source jusqu’à sa confluence avec la Seine, prend en compte toute accumulation sédimentaire le long de la vallée et ne représente donc pas le profil du substratum qui se trouve sous la surface topographique représentée.

Figure 2 – Schéma représentant les niveaux de nappes alluviales de la vallée de l’Eure. Réalisation (© L. Yacine, 2020).

On arrive à distinguer grâce au profil, plusieurs niveaux de terrasses alluviales par rapport à l’incision du bedrock et au profil en long (figure 2).

En tenant compte de la continuité de l’altitude absolue représentée par le profil en long de la vallée ainsi que de la continuité des altitudes des points représentant les sondages archivés de la B.S.S qui indiquent les altitudes des terrasses alluviales et du bedrock, nous parvenons à élaborer un schéma de l’étagement des nappes alluviales de l’Eure. Ce schéma est une première base pour établir un schéma plus précis du nivellement des terrasses et necéssitera par la suite des investigations plus approfondies, dont des analyses géochronologiques (datations absolues), afin de faire ressortir un système d’étagement des terrasses alluviales dans la vallée de l’Eure.

Trois niveaux de terrasses se dégagent. Le 1er niveau représente l’étage des moyennes terrasses dont l’altitude relative varie entre 30 et 20 m au-dessus du lit actuel de l’Eure et dont l’âge est probablement Saalien (Riss) ou antérieur. Le 2e niveau correspond aux moyennes/basses terrasses dont l’altitude relative varie entre 20 et 10 m, d’âge probable Weichselien (Würm). Enfin, le dernier niveau  représente l’étage des très basses terrasses avec une altitude relative comprise entre 10 et 5 m : ces terrasses se sont vraisemblablement formées vers la fin du Würm ou dans la première moitié de l’Holocène.

♦ Étude détaillée de la terrasse moyenne de Guainville

Pour compléter les analyses à l’échelle du bassin versant, une étude détaillée des terrasses fluviatiles au niveau de la moyenne vallée de l’Eure et plus particulièrement de la terrasse moyenne à l’échelle de la coupe de Guainville a été réalisée. Bien que préliminaire, celle-ci doit permettre d’interpréter la géométrie des dépôts et les modalités de leur mise en place, ainsi que d’évaluer leur potentiel pour des études géochronologiques et paléogéographiques plus approfondies.

Figure 3 – Alluvions de l’Eure à Garennes-sur-Eure (© L. Yacine, 2019).

L’ancienne gravière de Guainville à Garennes-sur-Eure (27) montre une succession remarquable d’anciennes alluvions de l’Eure, qui ont été par la suite traversées et ravivées par le Radon. En effet, la coupe est située à la confluence de l’Eure et du Radon, à 800 m au sud-est de la gare de Bueil. Le Radon s’est, à cet endroit, encaissé dans une terrasse moyenne de l’Eure qui s’est mise en place sur la craie.

On note la présence de plusieurs types de sédiments fluviatiles dans cette terrasse moyenne de l’Eure (figure 3) : des sables de taille et de stratification variable, des galets de silex mais aussi des limons fluviatiles et une formation tufacée interglaciaire.

La présence de sables quartzeux pourrait se prêter quant à elle à une datation OSL (Luminescence Stimulée Optiquement). Quant au tuf calcaire, il devra faire l’objet d’études morphostratigraphiques et biostratigraphiques plus détaillées, ainsi que des datations par U/Th puisqu’il offre d’importantes perspectives sur le plan paléoécologique et paléontologique avec une richesse probable en malacofaunes. Il pourrait également servir pour établir un calage géochronologique.

Ces dépôts de tufs calcaires sont fragiles, relativement peu épais et se forment au cours des périodes interglaciaires dans un climat tempéré et humide. La fossilisation de débris végétaux et animaux autorise une lecture biochronologique qui devrait permettre de connaître et de comprendre l’évolution paléoenvironnementale de cette portion de la vallée au cours du temps.


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